Paru dans Le Monde en date du 26 décembre 2024, sous le titre « La trahison de l’Ukraine signerait l’arrêt de mort du projet européen »
L’Ukraine vit des heures angoissantes. L’armée russe, forte d’un budget militaire de 106 Md€ qu’elle veut porter à 135 Md€ en 2025, poursuit son invasion au prix de dizaines de milliers de morts et de la destruction systématique des infrastructures vitales de l’Ukraine : ses centrales énergétiques, ses hôpitaux, ses usines. Malgré la résistance héroïque des Ukrainiens, elle gagne du terrain grâce aux demi-mesures et aux retards de l’aide apportée par leurs alliés, qui se gardent bien de désigner la seule issue admissible de cette guerre : le retrait de la Russie dans ses frontières.
Paralysés par le « chantage au nucléaire » de Vladimir Poutine, Joe Biden et les dirigeants occidentaux ont livré à contretemps des armements en quantité et de portée limitées, sans procurer à l’Ukraine les moyens de la victoire. Préoccupés avant tout par le souci de ne pas concourir à une « escalade », ils ont laissé le Kremlin franchir successivement toutes les étapes de la surenchère militaire, jusqu’à l’arrivée ces derniers jours de 10 000 soldats nord-coréens, couronnée par l’emploi de charges chimiques et d’un missile balistique hypersonique.
Tétanisés par les rodomontades de Donald Trump, les gouvernements européens se préparent-ils mezza-voce à accepter, avec un lâche soulagement, que la nouvelle administration américaine négocie un accord de cessez-le-feu au détriment de la volonté ukrainienne ?
La trahison de l’Ukraine signerait l’arrêt de mort du projet européen : triomphant aujourd’hui, Poutine reprendrait dans deux, cinq ou sept ans ses guerres de conquête contre l’Ukraine, mais aussi la Géorgie, la Moldavie ou les Pays baltes. L’ensemble du continent glisserait vers l’abîme. Notre sécurité, nos libertés et nos valeurs sont directement menacées. Il faut donc agir, vite.
L’OTAN est suspendue au bon vouloir de la Maison blanche. L’Union européenne se heurte à l’indécision et à la pusillanimité de certains chefs d’État et de gouvernement et au double jeu du premier ministre hongrois Viktor Orban. C’est pourquoi, nous appelons à la mobilisation de tous les citoyens européens : si l’OTAN ne prend pas rapidement ses responsabilités pour inviter l’Ukraine à rejoindre l’Alliance atlantique, il faut que se mette en place une coalition des États européens volontaires ─ qu’ils soient ou non membres de l’UE (comme le Royaume-Uni ou la Norvège).
Cette coalition pourrait s’accorder sur un ensemble de mesures :
1. Assurer le financement de l’armement nécessaire, réclamé par Kyiv, en confisquant et transférant à l’Ukraine les 210 Md€ d’avoirs de la Banque centrale de Russie actuellement bloqués en Europe (le prêt en cours de l’Union européenne pouvant, quant à lui, reposer sur d’autres garanties). Non seulement cette confiscation est autorisée par le droit international, mais l’urgence la justifie : les besoins du pays ruiné par la guerre d’agression, évalués par la Banque mondiale à 483 Md$ au 1er janvier 2024, s’élèvent aujourd’hui à près de 800 Md$ selon le gouvernement ukrainien. Cela raffermirait aussi la souveraineté collective européenne sur la scène internationale.
2. Protéger le ciel et la frontière Nord de l’Ukraine :
– En autorisant les Ukrainiens à frapper en Russie, avec les armes que nous leur procurons, tous les sites militaires d’où partent les attaques de Moscou ;
– En fournissant une quantité significative de batteries et de vecteurs anti-aériens, afin d’arrêter la destruction des infrastructures civiles ;
– En neutralisant avec le concours de nos forces aériennes et antiaériennes, depuis l’espace européen, les missiles et drones à moyenne et longue portée lancés contre les villes ukrainiennes ;
– En envoyant des forces militaires prépositionnées, réunies par la coalition des pays volontaires. Chargées de missions de logistique (formation, maintenance et réparation, déminage, soutien médical et sanitaire), elles assureraient également la surveillance de la frontière de l’Ukraine avec le Bélarus. Cela permettrait aux troupes ukrainiennes immobilisées sur ces positions de rejoindre le front. Cette présence défensive serait la meilleure réponse à l’implication aux côtés des forces russes de troupes du régime totalitaire de Kim Jong-un et le signe de notre détermination, afin de dissuader Poutine d’aller plus loin.
3. Refuser tout accord de cessez-le-feu qui ne prenne pas en compte :
– la dimension humaine (et pas seulement territoriale) de l’invasion russe : aucun Ukrainien ne doit être retenu contre son gré en Russie ou dans les territoires occupés. Le retour en Ukraine des populations déportées par l’armée russe, dont des dizaines de milliers d’enfants kidnappés, n’est pas négociable ;
– la sécurité de l’Ukraine, à laquelle ne peut être imposé le statut d’État démilitarisé ou neutre. Les pays membres de l’OTAN doivent l’inviter à les rejoindre, comme le demande Kyiv, et étendre la protection de l’Alliance aux territoires sous contrôle ukrainien dès 2025.
Quoi qu’en dise la propagande du Kremlin, aucune de ces mesures n’implique d’entrer en guerre avec la Russie. Leur coût est limité. Elles sont vitales pour un pays qui défend sa liberté et protège les nôtres.
C’est l’heure de L’Europe : ne trahissons pas l’Ukraine !
Premiers signataires
Personnalités
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Galia Ackerman, historienne, rédactrice en chef de Desk Russie
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Guillaume Ancel, ancien officier, écrivain français et chroniqueur de guerre
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Julien Bayou, avocat, ancien député
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Pascal Bruckner, écrivain
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Hans Christoph Buch, écrivain (RFA)
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Michel Caillouet, ancien ambassadeur de l’Union Européenne
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Leos Carax, cinéaste
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Gilles Chevalier, contrôleur général des armées (2S)
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Hélène Cixous, écrivaine
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Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen
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Krzysztof Czyżewski, President de Borderland Foundation (Pologne)
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Vincent Desportes, Major General (2S), former director of the French War College
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Stephen Fry, écrivain, réalisateur et acteur (Royaume Uni)
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Antoine Garapon, magistrat honoraire
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André Gattolin, universitaire, ancien sénateur
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Romain Goupil, cinéaste
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Michel Hazavanicius, cinéaste
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Agnieszka Holland, cinéaste (Pologne)
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Martine Jodeau, conseillère d’État honoraire
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Esko Kentrschynskyj, ancien ambassadeur de l’Union Européenne (Humanitarian Aid Department for Asia, Central and South America)
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Etienne Klein, physicien
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Jaroslaw Kurski, journaliste, ancien rédacteur en chef adjoint de Gazeta Wyborcza (Pologne)
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Jean-Charles Larsonneur, diplomate et député du Finistère
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Jonathan Littell, écrivain et cinéaste
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Denis MacShane, ancien ministre britannique des Affaires européennes, membre parlementaire de l’assemblée du Conseil de l’Europe (Royaume Uni)
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Adam Michnik, rédacteur en chef de Gazeta Wyborcza (Pologne)
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Georges Mink, directeur de recherche CNRS émérite
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Ariane Mnouchkine, metteure-en scène, fondatrice du Théâtre du Soleil
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Phillips O’Brien, chair of strategic studies and head of the School of International Relations at the University of St Andrews
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Rithy Panh, cinéaste
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Frédéric Petit, député des Français d’Allemagne, d’Europe Centrale et des Balkans
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Sylvie Rollet, professeure émérite, présidente de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre!
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Karl Schlögel, professeur émérite des universités en histoire, European University Viadrina, Frankfurt (RFA)
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Volker Schlöndorff, cinéaste (RFA)
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Dominique Schnapper, sociologue et politologue, ancienne membre du Conseil constitutionnel
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Mario Stasi, président de la Licra
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Marc Thys, Lieutenant-general (Retd), Aide-de-Camp honoraire du Roi des Belges (Belgique)
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Xavier Tytelman, consultant défense
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Olivier Védrine, administrateur de l’association Jean Monnet
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Olivier Weber, écrivain, grand reporter, ancien ambassadeur de France
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Michel Yakovleff, Général (2S) de l’Armée de Terre
Universitaires & Associatifs
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Vera Ammer, Association Memorial Deutschland, traductrice, RFA
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Patrick Angelvy, secrétaire général de Pharmaciens Sans Frontières 94
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Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au Collège des Bernardins
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Gérard Bensussan, philosophe
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Wladimir Berelowitch, professeur honoraire d’histoire à l’université de Genève et directeur d’études l’Ecole des hautes études en sciences sociales
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Anne Emmanuelle Berger, professeure émérite de littérature française et d’études de genre – Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
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Olivier Bétourné, éditeur, ancien président des éditions du Seuil, et historien
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Jan Bierhanzl, Institute of Philosophy of the Czech Academy of Sciences, Tchéquie
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Annick Bilobran-Karmazyn, présidente de l’ADVUL Association des Descendants des Volontaires Ukrainiens de la Légion Étrangère
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Bernard Bruneteau, professeur émérite de science politique à l’université Rennes 1
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Yan Ciret, critique, essayiste, commissaire d’exposition
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Aaron Gasch Burnett, Senior Fellow, Democratic Strategy Initiative, Berlin, RFA
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Joseph Cohen Prof. Dr., School of Philosophy, University College Dublin, Irlande
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Dominique Colas, professeur émérite de science politique, Sciences Po, Paris
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Maïté Coppey-Moisan, directrice émérite INSERM
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Catherine Coquio, professeure de littérature comparée à l’université Paris-Cité
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Didier Coureau, professeur des universités en études cinématographiques
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Galina Elbaz, vice-présidente de la LICRA
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Kristian Feigelson, professeur émérite, université Sorbonne Nouvelle
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Gilbert Flam, président de la Commission Internationale de la Licra
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Jean-Louis Fournel, professeur d’Université, Paris 8
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Ian Garner, Assistant Professor
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Anke Giesen, administratrice de Memorial Deutschland, RFA
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Rachel Godefroy, directrice publication Cosmos / Secrétaire générale SLPJ
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Iryna Grebenyuk, maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université de Picardie Jules Verne
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Agnieszka Grudzinska, professeure émérite, Université Paris Sorbonne
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Jean-Yves Guérin, professeur émérite de littérature français, Université Sorbonne Nouvelle
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Mairéad Hanrahan, Professor of French, University College London
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Mieste Hotopp-Riecke Dr., director of Institute for Caucasica, Tatarica and Turkestan Studies (ICATAT), RFA
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Jérôme Heurtaux, politiste
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Luba Jurgenson, professeure de Littérature russe, Sorbonne Université
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Léo Keller, politiste
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Oleg Kobtzeff, Fellow of the Royal Geographic Society, Associate Professor à American University of Paris, Professeur à l’institut de théologie orthodoxe Saint Serge
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Joel Kotek, politologue et historien, professeur émérite des Universités, Bruxelles (Belgique)
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Hugues Lagrange, directeur de recherche émérite, Sciences Po/CNRS
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Joanna Lasserre, co-présidente de l’Association Défense de la Démocratie en Pologne
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Gérard Lauton, universitaire, UPEC
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Sylvie Lindeperg, historienne, professeure des universités, Paris 1-Panthéon-Sorbonne
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Dr Jade McGlynn, Research Fellow
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Marie Martin, maîtresse de conférences, université de Poitiers
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Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure d’histoire contemporaine, Université Paris 8
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Céline Masson, professeure des universités, psychanalyste, réalisatrice
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Didier Mayeur, professeur de médecine, président de l’AFSOS (Association Francophone des Soins Oncologiques de Support)
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Alexandre Melnik, ancien diplomate, politologue, professeur à ICN Business School
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Véronique Nahoum-Grappe, chercheure en sciences sociales
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Elisabeth Nicoli, avocate, co-Présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie
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Alexis Nuselovici; vice-doyen émérite, université d’Aix Marseille
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Fabien Ollier, directeur de la revue Quel Sport ?
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Liliana Orlowska, CNRS, Pologne
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Frosa Pejoska-Bouchereau, professeure de langue, littérature et civilisation macédoniennes, INALCO
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Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public, Déléguée générale de la Chaire lyonnaise des droits humains et environnementaux
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Jean-Yves Pranchère, professeur à l’Université libre de Bruxelles. Vice-président du Département de science politique
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Eva Quistorp, théologien ,écrivain, MPE a.D., Berlin, RFA
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Pierre Raiman, historien, co-fondateur de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre!
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Freddy Raphaël, sociologue, professeur émérite, université de Strasbourg
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François Rachline, vice-président de la Licra
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Antje Rempe, Partnerschaftsverein Charkiw-Nürnberg, RFA
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Martine Robert, réalisatrice
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Elisabeth Roudinesco, historienne, co-fondatrice de l’Institut histoire et Lumières de la pensée (ihldp)
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Michael de Saint Chéron, philosophe et écrivain
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Natalya Santoni, docteur en oncologie, présidente de l’association Solidarité Corse-Ukraine
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Marta Segarra, directrice de recherche, CNRS
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Emmanuel Siety, professeur des universités, Sorbonne Nouvelle
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Marielle Silhouette, professeure en études germaniques, Paris Nanterre
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Wiktor Stoczkowski, anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales
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Jimmy Sudário Cabral, Université Fédérale de Juiz de Fora, Brésil
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Pierre-André Taguieff, philosophe, politologue et historien des idées
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Benjamin Tallis Dr., research fellow at the German Council on Foreign Relations (DGAP) director, Democratic Strategy Initiative
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Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po, senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA)
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Sylvie Torcol Granata, maîtresse de conférence en droit public
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Jarmo Valkola, professeur associé
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Emmanuel Wallon, professeur émérite de sociologie politique à l’université Paris-X
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Yves-Charles Zarka, philosophe, professeur émérite, fondateur et directeur de la revue Cités
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Paul Zawadzki, professeur de sciences politiques, université Paris 1
Autres signataires
Liste à jour en date du 28 décembre 2024, 14h00, heure française.
Le document ci-dessous est en simple lecture. Si vous souhaitez signer notre appel, merci de le faire à partir du formulaire suivant : https://forms.wix.com/f/7274410704734519952